Adelaïde Nongeant #2 : Le musée des horreurs

31 mai 2012 20 h 20 min

** La première partie ici **

 

– II – LE MUSEE DES HORREURS

 

Il faisait atrocement lourd dans la petite pièce fermée.

Encore une fois, seule l’ampoule éclairait le local, projetant quelques ombres çà et là.

L’homme s’appliquait à la tâche.

Sur la table d’autopsie reposait un corps. Une autre rousse, mais celle-ci avait le visage tuméfié. Elle était entièrement nue, comme la première, l’abdomen grand ouvert.

L’inconnu avait plongé les mains dans les viscères, remuant, découpant. Il était minutieux. Adélaïde avait beau plisser les yeux afin de définir les traits du visage de cet homme, elle n’y parvenait pas.

Elle balaya la pièce du regard à la recherche d’une indication quelconque. Mais le bruit des tripes découpées la rappelait sans cesse à cette horreur en train de se produire sous ses yeux.

Une odeur de sang frais baignait l’endroit. Le liquide rougeâtre éclaboussa le mur derrière  l’homme. Une petite flaque gluante s’était déjà formée à ses pieds.

La victime avait été égorgée. Ses yeux restaient grands ouverts sur le vide. Sa bouche était entrouverte, ses doigts raidis.

Adélaïde pouvait entendre son propre souffle. Elle haletait, voulait crier mais la peur la tétanisait littéralement.

 

Un coup de klaxon en bas de la rue réveilla la jeune femme. Cette dernière était en nage de sueur. Son cœur battait la chamade, sa bouche était sèche. Adélaïde tremblait de tous ses membres. Mais pourquoi assistait-elle à de pareilles atrocités ? Pourquoi ces cauchemars ?

Elle se redressa, repoussant les couvertures au bout du lit.

La pleine lune éclairait sa chambre presque comme en plein jour. Un coup d’œil au réveil, minuit trente.

Adélaïde se rallongea, ferma un instant les yeux avant de les rouvrir soudain.

L’homme dans son cauchemar portait une cicatrice à la main droite. Elle en était presque certaine. Comment avait-elle pu passer à côté de ce détail la première fois ?

Elle se mit à réfléchir à toute vitesse.

Si ces mauvais rêves avaient bien un lien avec le meurtre de la première prostituée, alors Adélaïde elle-même avait un rapport avec l’assassin. Inutile d’être fin psychologue pour comprendre cela.

— Un traumatisme… pensa-t-elle aussitôt.

Elle ne se rappelait pourtant pas en avoir subi un. Ses parents ne lui avaient jamais parlé de cela. Ou alors ils n’avaient abordé le sujet avec elle.

L’espace d’un instant, elle se demanda pourquoi elle réfléchissait à tout ceci. Après tout, elle se trouvait seule dans son lit à débiter des théories fumeuses au sujet de crimes affreux.

— Peut-être que je suis folle, se surprit-elle à dire.

La psyché face à Adélaïde lui renvoya une image fort péjorative d’elle-même. La jeune femme savait pertinemment être saine de corps et d’esprit.

A présent plus calme et rassurée, elle referma les yeux avant de s’endormir comme si de rien n’était.

 

* * *

Adélaïde ne se réveilla que le lendemain matin, mais son cauchemar lui était malgré tout resté en mémoire.

Elle en avait encore des sueurs froides.

Peut-être fallait-il vraiment qu’elle en parle à quelqu’un… La jeune femme ne pouvait pas rester ainsi dans le doute et l’attente d’une nouvelle victime.

Tout était si détaillé dans ses songes. De la moindre goutte de sang au bruit des tripes retournées, tout y était. Adélaïde avait réellement l’impression de se trouver aux côtés du tueur. C’était comme un film se déroulant en temps réel sous ses yeux.

Toute la petite ville ne parlait que de cette deuxième prostituée retrouvée égorgée, avec un rein en moins.

La population criait au fou, et la presse semblait se délecter de l’affaire. Les gros titres parlaient de mises en scène macabres dignes d’un Jack l’Eventreur moderne.

Adélaïde acheta le journal avant de le jeter aussitôt quelques pas plus loin. Elle était écœurée… par ses cauchemars et la tournure que prenait l’enquête.

L’assassin prenait un malin plaisir à jouer au chat et à la souris avec la police, et éparpillait les viscères de ses victimes comme dans un petit musée des horreurs…

 

 

III – POUR ADELE

 

 

— J’ai peur… murmura Adelaïde.

Et si quelqu’un venait à savoir ?

— Mais savoir quoi ? tenta-t-elle de se rassurer.

Elle assistait en rêve à l’éviscération des victimes d’un fou furieux. C’était à la fois horrible et choquant. La jeune femme ne demandait pas à voir de pareilles atrocités. Elle voulait que tout ceci cesse. Mais les cauchemars se multipliaient peu à peu au rythme des meurtres.

 

La jeune femme n’était pas encore morte. Elle gisait par terre, recroquevillée sur elle-même, tremblante de la tête aux pieds. Elle était terrifiée.

Devant elle s’agitait le meurtrier. Il tenait un couteau de boucher dont la lame brillait sous l’effet de l’ampoule juste au-dessus.

L’homme fit volte-face.

— Déshabille-toi, ordonna-t-il d’une voix blanche.

Incapable de faire le moindre geste, la femme se contenta de le regarder vaguement.

— Déshabille-toi ! rugit l’assassin.

Il arracha les boutons de la veste de la femme un à un avec son couteau, avant de s’approcher d’elle.

— J’ai pas l’intention de te tuer, dit-il. Pas toi, oh non. J’ai un message à faire passer. Mais en attendant, tu vas rester un peu avec moi.

 

Adélaïde garda les yeux ouverts pendant de longues secondes.

Le tueur avait décidé de s’amuser un peu avec la chair fraîche. Il avait envie de mêler le macabre au plaisir des sens.

— Ce mec est écœurant, cracha Adélaïde en se levant.

Elle traversa l’appartement afin de se tirer un verre d’eau à la cuisine. Elle buvait une gorgée lorsqu’elle perçut comme des bruits de pas dans le couloir.

Discrètement, elle saisit un couteau avant de longer le mur jusqu’à la porte battante. Elle n’entendait plus rien.

Le souffle court, les jambes en coton, la jeune femme prit son courage à deux mains, faisant irruption dans le couloir. Personne.

— Tu te fais des idées, ma pauvre fille.

Elle s’apprêtait à retourner à la cuisine quand un bruit de verre cassé attira son attention. Cela semblait provenir de la chambre. Tenant toujours fermement le couteau, Adélaïde fit demi-tour.
Son cœur battait à tout rompre, ses jambes ne la portaient presque plus, elle sentait l’angoisse la submerger. D’un pas modéré, elle atteignit le fond de l’appartement, constatant qu’il n’y avait personne… hormis un vase brisé au pied du lit.

— J’ai peur, déclara Adélaïde à l’inspecteur Colombier.
Elle venait d’engloutir pas moins de trois cachets contre le stress. Colombier la sentait particulièrement anxieuse. Et il y avait de quoi !

— Et si vous me parliez un peu de ces cauchemars ? insista malgré tout le jeune homme.

— Hein ? lâcha Adélaïde, hébétée.

L’inspecteur sourit.

— Vous venez de me dire que vous faîtes d’atroces cauchemars en ce moment. reprit-il calmement. Cela pourrait avoir un lien avec votre angoisse.

— J’ai rien rêvé du tout, moi.

— Je n’ai rien dit de tel, mademoiselle.

La jeune femme prit une profonde inspiration.

— J’ai assisté à des évènements horribles dans ces rêves, murmura-t-elle, ne sachant par où commencer. Il y a un homme qui… Un homme qui éviscère des jeunes femmes rousses. Ses victimes sont déjà mortes, allongées sur une table d’autopsie. Il fait très sombre, il n’y a qu’une seule ampoule dans la pièce.

Adélaïde osa un regard vers l’inspecteur. Celui-ci ne sourcilla pas, alors elle continua.

— J’ai l’impression d’y être, avoua-t-elle. Je vois les corps étendus, ouverts. J’entends le bruit des viscères que l’on extirpe. Je sens l’odeur du sang qui dégouline aux pieds du tueur.

Colombier ne dit rien. Il imaginait très bien les détails que lui exposait la jeune femme.

— Ce type que je vois… J’ai l’impression qu’il pourrait s’agir de… de ce tueur en série.

— Celui qui assassine des prostituées rousses ?

Adélaïde hocha oui de la tête.

— En effet, cela pourrait se tenir, admit Colombier avant d’émettre une réserve. Ceci dit…

— Je comprends votre scepticisme, inspecteur, concéda la jeune femme. Je n’aurais pas dû vous déranger.

Colombier se leva à son tour.

— Il semblerait qu’il y ait eu effraction chez vous, rappela-t-il d’une voix ferme. Aucun risque ne serait bon à prendre.

Son téléphone portable sonna alors. Il répondit.

— Inspecteur Colombier…

Adélaïde ne put saisir les propos de l’interlocuteur du jeune homme, mais le regard de celui-ci s’assombrit tout-à-coup.

Il raccrocha. L’expression de son visage avait viré à l’inquiétude. Adèle comprit alors que quelque chose clochait.

— Quoi ? balança-t-elle, affolée.

— Une femme vient d’être retrouvée. Encore une putain rousse, mais elle n’est pas morte.

— Le tueur l’a vraiment épargnée ?

— Oui, par contre, elle était porteuse d’un message : Pour Adèle.

Adélaïde crut qu’elle allait faire un malaise. Colombier l’aida à s’allonger sur le sofa.

Comment était-ce possible ? L’assassin se mettait à présent à délivrer des messages à la jeune femme ! Lui en voulait-il personnellement ?

Cette fois, Adélaïde en était sûre et certaine, ce tueur avait un lien avec elle.

** La suite ici ** 

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