Adélaïde Nongeant #4 : Les insomnies d’Adèle

2 juin 2012 20 h 20 min

 ** Ce qui s’est passé avant ici **

V – LES INSOMNIES D’ADELE

 

 

Adelaïde n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Colombier avait veillé sur elle jusqu’au petit matin mais la jeune femme resta incapable de s’endormir. Elle sentait le regard de l’inspecteur glisser sur elle. Elle était rassurée de savoir le jeune homme à ses côtés, mais sa présence la gênait néanmoins.

Colombier semblait développer une attitude protectrice à l’égard d’Adélaïde. Certes, il veillait à sa sécurité. Mais si ses intentions étaient toutes autres ?

Adélaïde considéra quelques instants l’inspecteur. Celui-ci l’observait depuis plusieurs minutes.

— Quelque chose ne va pas ? finit par demander Colombier.

Il se rendit alors compte de la stupidité de sa question. En fait, rien n’allait plus dans la vie de la jeune femme. Un assassin lui vouait ses crimes. Et aussi bizarre que cela pût paraître, Adélaïde assistait en rêves aux horreurs commises par ce malade.

— Excusez-moi… se rattrapa Colombier. Ma question est idiote, évidemment.

Adélaïde s’efforça de sourire.

— Je peux vous faire protéger par une femme, si vous le souhaitez, proposa l’inspecteur.

— A quoi cela servirait-il ? soupira Adélaïde avec du dédain.

— J’ai remarqué que vous ne dormiez plus en ma présence.

— Je m’efforce de dormir le moins possible, à vrai dire.

Colombier ne releva pas parole. Il comprenait plus ou moins la position de la jeune femme face à lui. Seule avec un homme dans un grand appartement, en proie à d’atroces cauchemars dans lesquels des prostituées rousses, comme elle, se faisaient mutiler…

Adélaïde évitait soigneusement Colombier du regard.

Elle ne dormait presque plus, restait cloîtrée dans son appartement, hésitant même à se rendre chez ses clients. C’était insupportable.

La jeune femme vivait dans la peur constante d’être attaquée, violée, égorgée, mutilée. Un jour, forcément, l’assassin s’en prendrait à elle… histoire de boucler la boucle. Adélaïde tira une grimace rien qu’à cette idée.

La voix de Colombier la tira de ses pensées.

— Sérieusement, mademoiselle…

— Adélaïde… l’interrompit-elle.

— Adélaïde, vous devriez essayer de vous reposer un peu malgré tout.

— Pour voir des mortes sur une table d’autopsie en train de se faire éventrer ? Pour assister au viol de la prochaine victime, regarder un salopard la sauter sans le moindre dégoût ?

— Et quand ce sont des hommes mariés qui vous sautent… ? s’écria soudain l’inspecteur.

Un silence s’empara de la pièce. Adélaïde fusilla Colombier du regard.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, je… se mit à balbutier Colombier, visiblement gêné. Seulement, une femme telle que vous…

Adélaïde baissa les yeux.

— Adélaïde…

— Taisez-vous.

Colombier nota de la tristesse dans la voix de la jeune femme. Il fit un geste pour la prendre dans ses bras. Elle le repoussa avant de finalement se blottir contre lui.

 

 

VI – ADELE JOUE LE JEU

 

 

Adelaïde s’était finalement endormie dans les bras de Colombier.

— Vincent, murmura-t-elle au réveil, je n’ai pas rêvé.

Le jeune homme sourit. Lui avait veillé toute la nuit sur Adélaïde et, effectivement, celle-ci avait dormi du sommeil du juste.

Tendrement, Colombier lui déposa un baiser dans les cheveux avant de quitter le lit.

— Tu sais, commença-t-il, tu devrais consulter le docteur Yerles. Elle a recours à l’hypnose sur certains de ses patients.

— Euh… l’hypnose ?

— Je serai juste derrière la porte pendant la consultation. Ne t’en fais pas.

Adélaïde acquiesça vaguement. Elle craignait que l’hypnose fasse ressortir des souvenirs refoulés. Mais elle jouerait le jeu… pour que cessent enfin ses cauchemars.

Colombier avait pu obtenir un rendez-vous rapidement chez la psychologue. Tous deux se connaissaient depuis la nuit des temps, et l’inspecteur avait prétexté une urgence criminelle afin d’accélérer la procédure.

Adélaïde patienta une bonne demi-heure dans la salle d’attente, Colombier assis à côté d’elle. Une demi-heure à se faire un sang d’encre, à dépouiller la pièce et ses occupants. Puis la porte du cabinet s’ouvrit enfin sur une grande brune maquillée comme un pot de peinture.

Le docteur Yerles, supposa Adélaïde.

La psychologue serra la main de sa patiente avant que celle-ci ne prenne congé.

— Anna… murmura Colombier.

Anna se retourna.

— Bonjour inspecteur, dit-elle.

Elle s’avança pour saluer Adélaïde mais se ravisa soudain, terrifiée.

— Ces yeux… lâcha-t-elle. Vos yeux !

Elle s’enfuit en courant.

— Anna ! s’écria l’inspecteur en se mettant à sa poursuite.

Mais il revint quelques secondes après, bredouille.

Tout le monde dans la salle, y compris le docteur, gardait les yeux rivés sur Adélaïde. Yerles mit fin à cette stupéfaction collective en conviant la prochaine patiente.

— Mademoiselle Nongeant, appela-t-elle.

— C’est moi-même, répondit Adélaïde en se levant.

Elle adressa un regard inquiet à Vincent, qui sourit.

— Je reste là, la rassura-t-elle expressément.

Adélaïde entra dans le cabinet avec l’impression de se jeter dans la fosse aux lions. La porte se referma derrière elle.

Les deux femmes prirent place.

— Vincent vous a-t-il un peu expliqué l’objet de cette consultation ? interrogea la psychologue.

— Il m’a juste parlé d’hypnose.

— Effectivement. Il semblerait que vos cauchemars soient une porte vers les mutilations d’un tueur en série.

Adélaïde resta tétanisée devant la psychologue.

— Vous n’avez absolument rien à vous reprocher, mademoiselle, reprit Yerles. L’assassin  semble seulement avoir créé une sorte de lien psychique avec vous.

— Et il en profiterait pour me montrer des horreurs pareilles ? Mais il est complètement…

— … Fou, j’en conviens. Par contre, vos cauchemars pourraient aider Vincent à retrouver cet homme.

De l’autre côté, dans la salle d’attente, Colombier attendait, anxieux. L’hypnose ne lui avait jamais inspiré confiance. Il s’était efforcé de rassurer Adélaïde alors que lui-même restait sceptique quant à cette pratique. Bien sûr, Yerles savait ce qu’elle faisait. Vincent en avait parfaitement conscience. Mais l’hypnose, tout de même… !

Tenir en place sur son siège relevait pour Colombier de l’exploit. Il commença à s’agiter, avant de se mettre à faire les cent pas à travers la pièce, sous les regards agacés des autres patients.

Je vais devenir dingue, pensait-il en boucle, dingue.

Mais pourquoi donc cette idée d’amener Adélaïde à Yerles lui était-elle venue à l’esprit ?

Dans le cabinet, Adélaïde avait l’impression de dormir éveillée. La voix du docteur résonnait dans sa tête, lui posant des questions afin d’en savoir plus sur le tueur en série.

Adélaïde, quant à elle, évoluait au cœur-même de l’un de ses cauchemars, coincée dans la pièce où l’assassin éviscérait ses victimes.

 

Il faisait horriblement lourd dans la petite pièce.

Adélaïde jeta un coup d’œil à la table d’autopsie, aucun corps ne s’y trouvait.

L’homme se tenait dans le fond, dans une demi-pénombre angoissante. De nouveaux gémissements émanaient du poste de télévision.

Adélaïde fit un pas en avant, tenta un regard à l’écran. Le téléviseur était éteint. Les pleurs provenaient d’ailleurs. La femme avança encore. De toute façon, elle n’avait rien à craindre. Ce n’était qu’un mauvais rêve. Un vulgaire mauvais rêve. Adélaïde assistait à une cruauté sans pareille dans chaque nouveau cauchemar mais ne craignait absolument rien.

Poussée par la voix lointaine de Yerles, Adèle gagna le fond de la pièce. Elle se tenait à présent juste derrière le tueur. Elle pouvait entendre son souffle court, sentir son parfum. A demi-nu, il maintenait fermement le visage d’une rousse contre son sexe. La femme se débattait mais ne pouvait rien contre la force du meurtrier.

 

Adélaïde poussa un cri terrible.

Colombier fit irruption dans la pièce. La psychologue tourna les yeux vers lui.
— J’aimerais te parler, Vincent, dit-elle calmement.

 

 

** La suite ici ** 

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