Concours LME – Kmill

19 mai 2012 11 h 58 min

Elle se réveilla, étourdie de son rêve. Mais ce n’était pas un rêve. 

Les portes blanches par lesquelles elle avait franchi sa chambre, blanche également, se trouvaient devant elle. Aucune décoration, une seule et unique petite fenêtre telle celle d’un sous-marin, éclairait la pièce, les ampoules pâles transformaient la chambre en une cellule jaunâtre. C’est peut être bien dans une de ces cellules que l’on voit dans les films, où tout nous semble exagéré ou même la folie sonne faux, qu’elle était enfermée.

Elle eut peur, un sursaut la poussa à se lever. Même elle, était blanche, et malgré l’absence de décoration, elle put entrevoir son reflet dans le hublot. Son visage était triste, elle se trouvait laide sans charme, ses cheveux –autrefois longs et bruns- ne ressemblaient aujourd’hui qu’à une longue et vieille laine à la couleur déprimante.  Elle jeta un coup d’œil dehors, le ciel était aussi blanc, des nuages à perte de vue. Alors comme dans son rêve, elle hurla. De peur. D’avoir tout perdu. D’être emprisonnée à jamais. Et alors comme dans son rêve, un infirmier, fraîchement diplômé grâce aux conseils de Papa, lui cria « OH ! Elle va se taire la folle de la chambre 15 ! »

Elle se souvint que dans son rêve, une femme était rentrée, une étrange femme tenant à sa main un homme au regard trop sombre pour être innocent. Elle craint de voir à nouveau ces visages, ils apparaissaient déjà trop souvent dans ses rêves. Il lui rappelait un mauvais souvenir, d’un repas où ces visages avaient justement disparus alors qu’ils étaient jusque-là les plus attendus de la soirée.

« -Alors, comment vous sentez vous aujourd’hui ? »

Ce n’était plus l’infirmier de toute à l’heure. Celle-ci venait la voir régulièrement, son prénom était inscrit sur son badge : Lili. 4 lettres qui avaient parfois du mal à être retenus par les patients de l’hôpital. 4 lettres qui hantaient certains autres rêves de dizaines d’hommes.

Elle ne parvenait pas à répondre, trop obnubilée par la beauté de Lili. En 4 lettres. Après l’avoir étudiée sur toutes ses formes, elle parvient à faire échapper 4 mots. 4, un chiffre décisif.

« Pourquoi suis-je là ? »

Lili eut alors ce regard qu’elle offrait à chaque visite, à chacun des patients de chaque étage. «  – Ne cherchez pas à comprendre Lise, si c’est le seul conseil que je peux vous donner. Tout ça est désormais trop dur à comprendre, je ne peux moi-même pas toujours admettre ce qu’il en est aujourd’hui…

–         Qu’est-ce qu’il y a ? » Lise marqua une pause. Leurs regards se croisèrent. «  Lili, vous êtes la seule personne qui puisse m’aider. Je vous en prie. Je me réveille chaque matin en vivant mon rêve. Chaque jour et chaque nuit je vois un visage sur lequel je ne peux rien dire, il me hante. Oh, je suis certaine que ça vous arrive parfois à vous aussi. Ce n’est pas ça la définition de la folie n’est-ce pas ? Mais vous le savez-vous ce qui nous rends tous fous ici, c’est à force de se réveiller chaque matin dans cette chambre froide.

–         Je ne peux pas vous le dire. Cela brisera d’énormes règles et liens que nous ne devons entretenir avec… vous tous.

–         Alors je suis folle c’est ça ? Définitivement folle ?! Personne ne peut s’apercevoir que je suis juste perdue dans mes pensées, obsédée par ces visages !!

–         C’est celui de votre sœur… » Les dernières paroles donnèrent naissance à un silence d’autant plus pesant. Lise tenta de penser, de se souvenir. Elle se souvenait d’une femme qu’elle avait appelé Maman, puis qui s’était évanouie dans la nature. Plus aucune nouvelle depuis ce fameux soir.

« -Dites-moi la vérité, supplia Lise.

–         Vous êtes internée ici depuis plus d’un an. Depuis le 14 juin 2002, où la police à décidé de votre sort. » Silence ; l’atmosphère bouleversée par les paroles s’apaisa. Et devint ennuyante. Terrifiante par le silence. Lili continua : « Le 2 juin 2002, votre sœur, Margaux, épousa un charmant jeune homme du nom de David. Oh ne vous méprenez pas ce n’est pas un conte de fée que je vous raconte, et malheureusement, c’est de votre faute si cela s’est transformé en cauchemar, c’est en tout cas les propos de la police et des journalistes… Quand je vous regarde je ne vois pas une meurtrière, capable de tuer sa sœur par amour du même homme. » Lise resta silencieuse, assise dans sa tenue grisâtre, usée par les lavages répétés écoutait ce qu’elle attendait depuis tout ce temps : une explication. La vérité.

« – Dans la soirée, vous avez disparu ainsi que les nouveaux époux. La famille vous a cherché partout, et c’est finalement David, pleurant et hurlant qui a donné l’alerte. Quand ils vous ont retrouvé, vous et votre sœur, cette dernière était morte. Et vous aviez les mains pleines de sang et larmes. « Je l’ai trouvée comme ça, ma si belle Margaux» fût l’unique phrase que vous eûtes prononcée devant les juges. » A nouveau, le silence s’installa et tout devint de plus en plus pesant. A présent tout était clair, Margaux, sa si belle Margaux… Elle se souvenait de la police, de leur visite et des accusations qu’ils avaient portées contre elle « Impossible » avait déclaré son père.  Pourtant elle était bien là aujourd’hui, dans cette chambre, emprisonnée comme une dangereuse psychopathe. Lili et Lise se regardèrent à nouveau, l’infirmière se sentait gênée… Mais elle décida de continuer.
« Elle doit savoir » se persuadait Lili. C’est ainsi qu’elle expliqua la disparition de la mère, horrifiée d’avoir mis au monde un monstre capable de tuer sa sœur le jour de son mariage. Et la réaction de son père qui tentait de prouver l’innocence de sa cadette. Après avoir fini, l’infirmière déposa un peu d’eau dans un verre en plastique et repartit en regardant une dernière fois cette intrigante patiente. Au fond elle n’avait jamais douté de son innocence. Ses yeux étaient trop clairs pour être coupables.

 

Lorsque Lise s’endormi ce soir-là, les visages apparurent à nouveau. Et disparurent soudainement, laissant place à une forêt sombre, imposante et par conséquent oppressante. Elle vit alors sa sœur hurler contre son mari, les mots étaient trop flous mais pourtant Lise se souvenait de chacun. Elle se souvenait aussi du nombre de coups de poignard qu’avait reçu sa sœur : 4.

 

 

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