Le murmure des embruns

25 octobre 2013 18 h 17 min

large (4)

Judith avait envie d’une chose et d’une seule : la solitude. Face à l’océan qui grondait délicieusement devant elle, Judith ne bougeait pas. Son regard habituellement brun virait au noir à la lumière du ciel orageux. Il ne pleuvait pas encore, et les nuages noirs n’étaient encore qu’une fine ligne menaçante au-dessus de l’horizon, mais déjà la lumière se faisait plus sombre. Les mains dans son imperméable beige, Judith laissaient ses longs cheveux bouclés se mêler aux embruns. Toute la journée n’avait été que silences. Les hasards ordonnés du jour ne l’avaient pas déterminée à arriver ici.
Au réveil, les yeux ouverts sur le plafond nu de sa chambre, elle n’avait fait que penser à cette vue, à cette odeur, ce parfum si particulier qu’a l’océan. Elle avait pourtant tenté de lutter, tenter de laisser ses pieds accrochés au sol. Mais la matinée n’avait été qu’une longue plainte intime, venant du coeur de ses tripes. Le bruit des vagues ne s’échappait jamais totalement de son esprit, et rien autour d’elle ne la ramenait à a réalité. La nuit avait encore emprise sur elle, ne lui laissant aucun répit, la rappelant encore et toujours aux sensations si particulières de l’océan.

Plus encore que l’océan, c’est à l’appel d’elle-même qu’elle avait répondu. Ce besoin de se retrouver, de retrouver ses repères, de récupérer les murs de son espace sans personne pour l’en empêcher, sans enfant, sans téléphone, sans homme. Curieux qu’il lui faille se retrouver face à l’immensité d’un océan pour se sentir enfin en connexion avec son âme.
C’était son grand-père qui l’avait initié à cette relation à l’eau, à l’horizon et son infini. Enfant, il l’emmenait en vélo admirer la nature sombrer dans le sommeil de le nuit, apaisée de sa rupture temporaire avec le soleil, et étoilée de sa rencontre fortuite avec un morceau de lune.

Judith restait debout sur la digue, les mains enfoncés dans les poches, sans qu’une émotion ne passe sur son visage. Des passants osaient glisser leur regard sur elle sans oser lui demander si elle avait besoin d’aide. Alors qu’une sérénité étourdissante étreignait son coeur, la tristesse et le désespoir se lisaient sur chacun des traits de son visage. Sourire à qui, à quoi ? Judith retrouvait enfin cette mélancolie qui lui était chère et de laquelle elle s’enivrait dans les moments où sa vie semblait la pousser à la porte.
Les gouttes commençaient à se faire sentir. D’un coup le vent s’est fait plus fort, plus frais. Esquissant un sourire de résignation, un grimace à peine assumée, elle saisit les deux pans de son imperméable pour les resserrer autour de sa taille, tourna sur ses hauts talons, et rejoignit sa citadine noire.
Elle avait trouvé un chemin de réponse à ses questions. Le vent lui avait soufflé à l’oreille la direction à prendre, et elle espérait maintenant qu’il y avait là davantage qu’une intuition.

A l’intérieur, les deux mains sur le volant, le regard perdu vers l’infini à peine saisissable derrière les gouttes de pluies recouvrant son pare-brise. Elle prit une grande inspiration puis jeta un oeil à son téléphone à l’écran clignotant posé sur le siège passager. Ni vibreur, ni sonnerie, juste la photo de son mari souriant et posant fièrement dans leur cuisine, qui s’affichait par intermittence.
Elle décrocha, et d’une voix grave et enrouée, elle lui dit ce qu’il ne comprendrait que trop bien :

 » – Be om ursäkt « 

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