Observer

21 juillet 2013 16 h 31 min

And See
L’été en ville il fait si chaud qu’on est obligé de dormir les vitres ouvertes. Aussi le matin quand je me réveille, je reste un instant à écouter les bruits de la ville. Il y a les voitures qui passent bien sûr, l’église qui sonne au loin. Et puis il y a les conversations, les gens au dehors qui vivent leurs vies sans savoir qu’à l’ombre de mes volets je les espionne, je leur vole leurs phrases et qu’un jour celles-ci deviendront des dialogues dans une de mes histoires. Il y a cette femme qui parle très fort au téléphone et qui raconte qu’elle a pris la pluie et que son mari n’aura pas pensé à ramasser le linge. Il y a les parents qui papotent en attendant la nounou. Puis il y a la nounou qui arrive, les enfants qui disent au revoir de leurs petites voix. Ça parle aussi dans d’autres langues parfois, ça se salue, ça s’interpelle. C’est pareil la nuit quand je n’arrive pas à dormir j’écoute : les éboueurs qui discutent en ramassant les poubelles, les gens en état d’ébriété qui rentre chez eux en riant et en parlant très fort.
Parfois quand le soleil est là un ou deux musiciens de rues jouent de la trompette. Je les écoute avec l’impression d’être dans le New-York qu’on voit dans les films. Si les gens aiment ce qu’ils entendent ils jettent une pièce depuis leurs fenêtres.
Quand mon esprit s’embrouille et que je manque d’inspiration j’ouvre les volets, j’inspire très fort puis j’observe. Je me gorge de tout ce que je vois et entends. Le bruit des mouettes, la ville un peu en contrebas, le klaxon des voitures, la pluie sur le toit des voitures, la sonnette d’un vélo, les enfants qui courent et rient à quatre heures et demi, le bruit de la cloche de l’école, les discussions en terrasse des cafés, une lumière qui s’allume, quelqu’un qui écoute la musique ou regarde la télé un peu trop fort, un chat qui miaule, deux chiens qui se rencontre et le manifeste, une femme ou un homme dans sa cuisine, des enfants qui jouent dans le salon, la cloche du tram qui arrive…

Je regarde le soleil briller puis décliner jusqu’à teinter le ciel de rose. Je pourrais rester des heures, des journées entières à faire ça.

La nuit tombe apportant sa fraîcheur, les lumières s’allument petit à petit aussi bien dans la rue que dans les maisons. C’est comme si de minuscules scènes de théâtre s’allumaient. Parfois elles m’hypnotisent, me fascinent et je ne peux en détourner le regard. Ce n’est pas du voyeurisme, c’est juste que je suis fascinée par ces scènes de vie si simples et en même temps si complexes, si privées mais aussi si publiques.
Comme Julian et Jamie dans « One Tree Hill » je m’amuse à deviner et à imaginer la vie de ces inconnus qui à force d’histoires deviennent des personnages. C’est aussi pour ça que j’adore les lieux publics. On y entend et rencontre toutes sortes de personnes plus fascinantes les unes que les autres. Je pourrais rester des heures, dans un parc ou une gare, assise à écouter et enregistrer mentalement ce qui se dit. Je suis en quelque sorte une voleuse, je vole le quotidien des gens pour donner du corps à mes personnages, pour les rendre plus humains, plus réels. Ou peut être suis-je une sorte de super-héros sans cape et ne pouvant pas voler, une héroïne ordinaire avec une bonne mémoire et un grand pouvoir d’observation.

Mademoiselle-A

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