Ateliers d’écriture à Paris

22 avril 2012 12 h 56 min

Combien d’écrivains en herbe espèrent secrètement publier un jour un roman ? Beaucoup, au vu de la multitude de manuscrits reçus chaque année par les éditeurs. Si, outre-Manche, les diplômes de “création littéraire” sont désormais reconnus, il n’existe pas encore en France de formations universitaires pour accompagner les auteurs débutants. Un manque que viennent combler, à Paris, de nombreux ateliers d’écriture. Tour d’horizon….

atelier ecriture paris

On a coutume de dire qu’il y aurait en France plus d’écrivains que de lecteurs. Le constat est un peu exagéré mais contient une part de vérité : au pays de Balzac, Hugo et Modiano, l’écriture est devenue un vrai sport national. Tout le monde (ou presque) planque dans un tiroir, un coin de sa tête ou de son disque dur, une ébauche de roman commencée il y a des lustres et – faute de temps et d’assurance – pas près d’être terminé. Alors, pourquoi est-on si nombreux à se lancer dans cette longue et laborieuse entreprise créative ? Vaste question. Pour espérer vivre un jour de sa plume ? Pour acquérir une certaine reconnaissance sociale ? Pour s’évader d’un quotidien parfois pesant et se réfugier dans un imaginaire où tout semble possible ? Pour évacuer ses problèmes et ses angoisses existentielles ? Ou pour pouvoir un jour boire, veste en velours côtelé sur le dos, une coupe de champagne au Café de Flore avec Frédéric Beigbeder ? A vrai dire, on ne sait pas trop. Tout ce qu’on sait, c’est que nous sommes nombreux à vouloir écrire : selon un sondage mené par l’Ifop il y a quelques années, près de 2,5 millions de Français de plus de 15 ans se seraient déjà lancés dans l’aventure romanesque avec l’intention d’être publiés. Ainsi, malgré des ventes et une médiatisation confidentielles par rapport aux autres industries culturelles, la littérature conserve son aura prestigieuse tout en restant la manière la plus simple de s’exprimer et de créer, pourvu d’avoir stylo ou clavier sous la main.

« Un espace d’invention »
Tout le monde peut ainsi fantasmer sur l’idée d’avoir son nom, voire sa trombine, imprimé en couverture d’un bel ouvrage relié. Alors, beaucoup s’essayent à l’écriture : des poèmes griffonnés, des billets postés sur des blogs, des nouvelles un peu plus structurées et enfin des romans généralement inachevés ou jamais publiés… Une activité qui procure parfois satisfaction mais bien souvent frustration, car – l’évidence s’impose vite – on ne s’improvise pas écrivain comme cela. Même si l’inspiration et le talent ne s’enseignent pas, il y a tout de même des techniques et des ficelles à connaître pour faire tenir debout une narration et concevoir un objet littéraire captivant. Au boulot ! Pour aider les romanciers en herbe à effectuer leur dur labeur, il existe de nombreux ateliers disséminés un peu partout dans la capitale. Certains dispensent de véritables cours comme à l’école, d’autres utilisent des méthodes non directives. Certains donnent des clés aux auteurs pour se faire publier, d’autres insistent sur le plaisir et le développement personnel qu’apporte l’écriture. Certains proposent des séminaires et des stages ponctuels, d’autres misent sur le long terme. A chacun de faire son choix en fonction de ses besoins, ses disponibilités et ses moyens. On attribue la “maternité” de ces ateliers sous leur forme actuelle à Elisabeth Bing, une journaliste et enseignante qui les expérimenta une première fois en 1968 dans une école pour enfants en difficulté de la Drôme. Quelques années après, elle les théorisa et créa l’association Les Ateliers d’Elisabeth Bing, qui continue encore aujourd’hui d’oeuvrer « pour que l’écriture reste un acte de résistance, une respiration dans le monde où nous vivons, un espace d’invention et de subversion dont la liberté est la condition ».

Regards extérieurs
De manière générale, une séance d’atelier d’écriture se déroule en petit comité. Il n’est pas uniquement question de forme romanesque, on s’essaye aussi à l’autobiographie, à la rédaction de pièces de théâtre ou de scénarios. Chacun lit à tour de rôle le texte qu’il a écrit et dont le thème ou le style lui a été imposé par l’animateur. Puis chaque participant peut commenter le texte à sa guise, avant que l’animateur ne prodigue quelques conseils. Confronter ses écrits aux autres peut s’avérer intimidant au premier abord, mais devient vite indispensable pour progresser. De fait, la plupart des participants finissent par apprécier le regard à la fois bienveillant et exigeant que portent leurs congénères sur leur création, s’échappant enfin de la fameuse solitude de l’écrivain, parfois peu productive. En effet, malgré toute la bonne volonté du monde, il arrive que les impératifs de la vie (les courses à faire, le chat à nourrir, la nouvelle saison de Dexter à regarder…) prennent le pas sur nos ambitions littéraires naissantes. Ces ateliers, en obligeant à prendre le temps de produire des textes, imposent ainsi une contrainte salutaire. Un bon atelier est avant tout une boîte à outils enrichissante basée sur l’échange et censée aider les auteurs à affirmer leur propre style. Assurément, un premier pas vers l’édition. Cette éthique des ateliers d’origine, Emmanuel Bing, fils d’Elisabeth, s’évertue à la perpétuer avec ses propres ateliers, envisageant son engagement comme un véritable sacerdoce. Pour lui, plutôt qu’un enseignement ou une formation scolaire, les ateliers relèvent avant tout d’une expérience personnelle intime dans laquelle l’animateur se doit d’être « dans une démarche d’incitation, de désir et de recherche ». Une conception que ne partage qu’à moitié l’équipe d’Aleph-Ecriture, l’une des sociétés françaises de formation à l’écriture les plus renommées, qui a fêté il y a peu ses 25 ans.

A l’école des écrivains

« Aujourd’hui, notre offre de formation est large, de la simple journée découverte aux ateliers réguliers sur l’année en passant par des ateliers par mail. Au fil des années, les participants explorent les pistes de l’écriture littéraire d’une façon de plus en plus complexe et approfondie », nous explique Laurence Soubrick, chargée de projet à Aleph. Elle propose également de solides formations pour devenir animateur d’atelier. Tout en conservant la coopération entre les participants comme axe central, Aleph s’est peu à peu détachée des concepts initiaux en voulant faire un peu plus de pédagogie, de théorie, et permettre la construction de savoirs, sans lesquels, explique le fondateur et directeur général Alain André, on condamne les débutants à l’impuissance. Le postulat est simple : s’il existe des écoles des beaux-arts et des conservatoires de musique, pourquoi n’y a-t-il pas d’écoles d’écriture ? Il est vrai que malgré la multiplication des initiatives, les ateliers ne sont pas toujours pris au sérieux et reste perçus – au mieux – comme une activité associative sympathique. Pour Alain André, seule l’université peut leur apporter cette légitimité manquante. C’est déjà le cas au Royaume-Uni où, depuis la mise en place du premier Writer’s Workshop en 1970 à l’UEA de Norwich, l’engouement pour le prestigieux cursus de création littéraire (pourtant cher et sélectif) n’a cessé d’augmenter. On recense aujourd’hui près d’une centaine d’universités proposant ce type de cursus de troisième cycle. Même constat de l’autre côté de l’Atlantique, où les étudiants obtenant un master sont quasiment assurés de rencontrer éditeurs et agents influents, et donc d’être publiés. Pour les membres d’Aleph, il serait temps que la France se mette à la page. « Nous sommes en train de réfléchir avec Denis Bourgeois, responsable à l’université de Poitiers, à la création d’une école d’écriture et de monter un diplôme universitaire officiel qui verra bientôt le jour », nous confie Laurence Soubrik. Certains pointeront du doigt les risques de formatage de ce qui reste avant tout un art, pendant que d’autres y verront là une reconnaissance méritée du métier d’écrivain.

Quelques adresses…

Aleph : 7, rue Saint-Jacques, 5e. M° Cluny-La Sorbonne. Tél. : 01 46 34 24 27. www.aleph-ecriture.fr.

Atelier d’écriture : Emmanuel Bing, 5, rue Tiphaine, 15e. M° La Motte-Picquet-Grenelle. Tél. : 01 45 79 63 26. www.atelier-bing.com.

Le CICLOP (Centre interculturel de communication, langues et orientation pédagogique) 77, rue des Plantes, 14e. M° Porte d’Orléans. Tél. : 01 40 59 44 14. http://ciclop.free.fr

Les ateliers d’Elisabeth Bing : 10, rue de Boutebrie, 5e. M° Cluny-La Sorbonne. Tél. : 01 40 51 79 10. www.ateliersdecriture.net.

Suspension Formation : 10, rue Lesage, 20e. M° Belleville. Tél. : 06 42 81 28 45. www.ecrituresuspension.com.

Vous en parlez

  • Bonjour,
    j’aime écrire, comme beaucoup d’entre nous. Les idées foisonnent, se bousculent, en ordre, en désordre puis souvent s’échappent. Seule, c’est difficile d’écrire, c’est pourquoi j’aime la dynamique d’un groupe pour me donner l’élan et donner aussi de moi.

  • Bonjour, bravo pour cet article bien documenté sur les ateliers. Je vous suggère si vous le voulez bien de venir faire un tour sur mon site pour compléter votre information : « Alice et les mots » propose des ateliers de création littéraire à Paris et en ligne, séance d’essai gratuite sur demande. Je vous souhaite de bons moments d’écriture…

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