Concours de la rentrée #Marie Misr

3 octobre 2012 22 h 39 min

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Ce jour-là, à la fin du mois de septembre, en l’espace de dix minutes, quelque chose a basculé. Elle est passée à côté

de moi, sans un regard. Elle a rejoint la foule pressée, les yeux vissés au sol. J’aurai pensé qu’elle viendrait vers moi, qu’elle aurait la décence de me regarder dans les yeux, même sans m’adresser la parole, comme un signe entre nous.

Mais elle ne l’a pas fait et avec mes deux euros en poche je suis retourné m’asseoir sur mon banc, alors qu’au loin elle montait dans le train qui la ramenait dans sa banlieue riche, à des années de moi. 

 

Deux mois auparavant, par une fraiche après-midi d’automne, il y avait cette jolie fille sous l’horloge de la gare Saint Lazare, une fille qui semblait attendre quelqu’un. Je la regardais à distance, essayant de deviner ses projets, ses idées, ses rêves et je m’imaginais être celui qu’elle attendait. Il y avait cette fille qui souriait et moi, avec mon cœur en bandoulière, j’ai fait un pas vers elle, poussée par une force invisible.

–         Vous attendez quelqu’un Mademoiselle ?

–         Mon amoureux, mais il est en retard.

–         Les amoureux sont toujours en retard.

–         Comment savez-vous cela ?

–         Je connais cette gare par cœur et depuis mon banc, je regarde le monde tourner et j’en vois des tonnes d’amoureux courir en tous sens et des filles souriantes qui attendent patiemment sous cette horloge mythique.

 

Elle m’a regardé droit dans les yeux et j’ai cru que mes yeux n’allaient pas pouvoir soutenir son regard. En cet instant il n’existait qu’elle. Et moi. Enfin moi j’avais juste l’impression d’exister pour elle. Mais ça elle ne le savait pas.

Elle a continué :

–         J’attends toujours mon amoureux dans cette gare, sous cette horloge et je ne me souviens pas vous avoir vu avant.

–         C’est très juste. Pour le monde je suis transparent. Apres tout je ne suis qu’un clochard de plus, un empêcheur de tourner en rond.

–         Vous êtes bien jeune pour être un clochard pourtant ?

–         La vie, mademoiselle, la vie pour certains est faite ainsi. Ne me demandez pas de vous raconter mon histoire, elle est bien trop noire pour une fille comme vous.

–         S’il vous plait, racontez-moi votre histoire.

 

Et je lui ai tout raconté. Elle me faisait confiance et je lui faisais confiance. Elle a tout su de A à Z. Elle a laissé quelques larmes couler. Puis elle m’a dit avant de s’en aller :

–         Je vous promets que jamais je ne passerai devant vous sans vous regarder.

 

Je n’ai jamais su si elle attendait vraiment son amoureux ou si comme moi elle aimait regarder le monde vivre dans cette gare aux mille visages. Je l’ai aimé pour ce qu’elle était, tout en sachant qu’elle ne serait jamais à moi. Mais elle m’a menti.

 

Le temps de quelques battements de cœur, je m’étais senti vivant.  Mais l’indifférence de son attitude m’avait projeté dans les méandres de mes incertitudes. 

Puis j’ai senti une main sur mon épaule et en me retournant ce sont ses joues en feu que j’ai croisé. Sur mes lèvres elle a déposé un baiser, avant de s’envoler en courant.

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