Les mots migrateurs

3 juin 2012 18 h 10 min

Il y a des jours, où les mots sont omniprésents. Mon cerveau est saturé. Impossible d’aligner deux mots sur une page sans que quinze autres viennent pointer le bout de leur nez. Impossible de tenter de penser à autre chose tant les mots se battent pour occuper la moindre de mes pensées. Sensation d’avoir la tête qui va exploser sous le poids de ces mots, de ces lettres, de ces syllabes qui s’assemblent dans une cacophonie incessante. Drôle de sentiment quand ces mots arrivent à la fois en français et en anglais. Impression d’être une autre quand la langue de Shakespeare prend le pas sur celle de Molière et brouille les quelques neurones qui tentaient de reprendre le dessus. Ces jours où, comme si le destin me narguait, il m’est impossible de me poser cinq minutes devant une page blanche virtuelle ou réelle pour laisser le robinet des mots ouverts. Risque d’inondation, de surcharge, de voir les plombs sauter… Au point que même en fermant les yeux, une farandole de mot prend vie sous mes paupières pourtant closes. Impossibilité de penser à autre chose, impossibilité de se vider la tête. « Les mots parfois je les trouvais bizarre » dit l’un des personnages de Chambres de Philippe Minyana. Pour ma part, je les trouve parfois envahissant.
Et puis, il y a ces jours, où les mots ne sont plus là. Où ils ont décidé de se jouer de moi et de disparaître, de se cacher. J’ai beau les appeler, les chercher, rien à faire, il reste loin de moi. Comme pour se venger de ne pas les avoir pris au sérieux plus tôt. Pour me rappeler que si je ne prends pas soin d’eux, ils peuvent disparaître à jamais. Me laisser là, seule, sans moyen d’exprimer tout ce que j’ai en moi, tout ce que mon imagination m’offre. Comme pour me punir de les maltraiter, des les utiliser à mauvais escient. Ils se font plus discrets. Ils se mélangent, se liguent contre moi et tombent sur ma langue comme un cheveux sur la soupe. Ils rient de moi et ils ont raison. Pendant trop longtemps, je les ai considéré comme acquis. Je les ai négligé. J’ai oublié de jouer avec eux. De les savourer à chaque fois qu’ils font vibrer mes cordes vocales ou danser mes doigts sur le clavier. Cette maladie des mots que je me suis inoculée toute seule par manque d’exercices. Prenant le risque inconscient et inconsidéré de ne jamais trouver la voie de la guérison.

Il y aura toujours des jours où les mots s’amoncelleront avec force, plus puissants que jamais. Et puis d’autres, où ils partiront loin comme ces oiseaux migrateurs attendant le printemps pour oser revenir.

A moi de les saisir au vol et de ne pas les laisser filer une nouvelle fois…

Vous en parlez

  • Vraiment tres bien ecrit, je crois que nous sommes tous sensibles aux mots qui passent, viennent nous narguer, s’eloignent pour mieux revenir et nous laissent souvent desarmes. Mais ils nous font comprendre de cette facon qu’ils ont leur importance, qu’il faut bien les traiter et savoir les saisir quand ils sont pres de nous.

  • Il m’arrive de noter des phrases en vol, sans poyuvoir les exploiter, puis les retrouver bien plus tard au fil de l’écriture d’une histoire… Alors je souris en me disant qu’elle a choisi elle-même sa place attendant patiemment son tour.

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