Folie passagère

27 juin 2012 9 h 00 min

Personne, tu m’entends, ne te volera à moi. Ils ne nous retrouveront pas. Leur incompréhension a condamné notre tranquillité, l’inquiétude a foudroyé leur esprit. Vivre à mes côtés, selon eux, c’était comme vivre seule, une existence dangereuse et bancale. Ils disent que je suis déséquilibrée, une pauvre fille tourmentée de la tête au pieds. Je crache la vie, je la condamne et me torture. Ils n’ont pas remarqué la différence, soucieux de ce nuage qui planait déjà depuis longtemps au dessus de ma tête, et contrariait leur propre ciel. Pourtant, les couleurs sont apparues un après-midi, à l’heure du goûter. Un timide rayon de soleil faisait sourire le paysage, mais ce n’est pas de cette lumière dont je veux parler.
Des heures de souffrance et d’impatience, tu n’étais pas pressée d’arriver. Mon ventre coupait mon corps en deux, je ne pouvais me tordre, alors je laissais les larmes s’emparer de mon visage. Tu jouais avec le temps, déjà tu aimais contrôler la mesure du possible. Eux, ils attendaient, dans un coin d’une salle à quelques pas de la mienne, les traits tirés, les sourcils froncés. La crainte dessinée fatalement sur leur visage, l’œil qui se balance vers la montre presque toutes les minutes. Quand ils nous ont vus, l’une après l’autre, ils ont enfin pu respirer. Tu as eu le droit aux sourires peinés, et moi aux soupirs prolongés. « Quel gâchis, une si jolie petite fille, livrée à tes mains souillées ». Et leur mots qui cognent contre les murs sans jamais m’atteindre, je ne pense plus qu’à toi, affaiblie mais comblée.

Je te tiens dans mes bras, je ne te lâcherai pas. Depuis le premier regard, j’ai fait de toi la personne pour laquelle je me sacrifierais. Nous sommes déjà trop éloignées de leur protection perverse. J’ai pensé à tout, tu verras. De quoi vivre quelques jours, soulager ton petit appétit. La voiture nous servira de toit pour la nuit, maman cherchera un travail la journée. Ce sera amusant, tu verras, les étoiles à chaque fenêtre, au milieu de nulle part. Livrées à nous même, rien que toutes les deux, j’irais me battre contre les loups. Ils n’oseront pas menacer de te mordre les joues, j’ai une technique infaillible. Je leur demanderais de me suivre, ils s’assiéront en rond autour de moi, puis je leur lirais une histoire. La même que je te conte lorsque tu ne trouves pas le sommeil. Et bien, cela fonctionne sur leurs paupières. Elles deviennent lourdes, si lourdes qu’ils n’ont d’autres choix que de lâcher prise. Et lorsqu’ils se réveilleront, nous serons déjà parties. Tu vois, tu ne dois avoir aucune crainte, à tout problème, je trouve la solution. Quels idiots, me croire incapable de te protéger.

Je joue mon rôle de mère pourtant à merveille, tu ne trouves pas ?

Vous en parlez

  • C’est très beau et poignant 🙂

  • Ma petite Submarine, je suis si ravie que tu te sois lancée dans l’écriture de ces histoires imaginaires ! C’est toujours si doux, si imagé, tout en profondeur, tout en pensées intimes…
    Peut être un peu trop jusqu’à nous perdre légèrement (j’ai repris la lecture une fois la première lecture finie, pour allumer les lumières restées éteintes au cours de la traversée spirituelle de ton personnage)

    • Merci Julie, tout ce que tu me dis me touche énormément…
      Je suis enfin en vacances, et j’espère m’investir davantage sur ce site, si l’inspiration est au rendez-vous, bien sûr !
      Je remarque que l’on se perd souvent dans mes histoires, peut-être que je ne dis pas tout, que je me retiens… Il faudrait que je m’abandonne davantage, mais, c’est un souci qui me suit depuis longtemps… Et dont je compte bien me débarrasser !

  • Très poignant et beau à la fin, tendre et profond…

  • Je me suis perdue juste quelques secondes, peut-etre pour mieux m’impregner de ce personnage fort, de ces images douloureuses mais si vibrantes, si belles.
    Bravo!

  • J’en ai oublié de répondre à des SMS. Ça n’est pas rien !
    C’est un texte magnifique, empreint d’une poésie sublime. Car la poésie n’est pas que l’organisation rimée de vers unisyllabiques, non. C’est une superbe sensibilité au monde et aux multiples possibilités – même les plus déjantées – qu’il peut nous offrir. Et cette histoire est poétiquement déjantée. Bravissimo.

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