Nuit d’enfer

23 mars 2014 22 h 41 min

Impossible de respirer. Une fumée épaisse semble avoir pris possession de la moindre parcelle encore viable de sa cage thoracique. Pourquoi avoir tant forcé la veille ? Elle avait encore tiré sur la corde outre mesure, enchaînant les cigarettes et les verres d’alcool. Son sommeil allait lui faire payer toute la nuit.

fire under the door

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Sa gorge lui serre. Sa respiration s’accélère, ralentit, se bloque. Sara transpire. Sara se noie dans son oreiller. Ses cheveux s’entortillent de sueur, et de fines perles salées glissent de ses lèvres. Le sommeil de Sara prend bientôt une couleur grise et sombre. Dans son rêve, Sarah se perd. Elle cherche son chemin mais se cogne à cette masse noirâtre quoi qu’elle fasse. Tapi dans l’ombre de sa chambre, la fumée la guette. Elle s’avance jusqu’à son lit, et s’infiltre bientôt dans ses narines, au creux de sa bouche entrouverte. L’oxygène s’enfuit. Il la quitte sans un regard. Sara n’arrive plus à respirer. Elle ne sait plus respirer. Elle tousse à s’étrangler. Elle s’étouffe. Son coeur s’accélère. Sa tension monte en flèche. Elle a chaud, terriblement, atrocement. Elle a chaud à en mourir. Juste une seconde, Sara a ouvert les yeux. Juste assez pour voir que cette sensation d’étouffement est bien réelle. Juste assez pour sentir que le danger la tenait par les cheveux et la condamnait à mourir ici et maintenant. Sara pouvait sentir la fumée s’immiscer sous las paupières et recouvrir l’iris de son épaisse poussière de feu.

Oh merde, elle n’allait quand même pas finir brûlée ! Ce serait trop stupide, trop bête, trop con. Et dire qu’un détecteur attend patiemment de faire valoir ses services au fond du placard à balai.
L’angoisse se retrouve soudain relevée d’un cran, et aux larmes de feu se mêlent bientôt le fantôme de larmes plus enfouies. Reprendre son calme, remettre les pieds dans la réalité. L’idée est tentante mais Sara est empêtrée dans son sommeil, une partie d’elle encore inconsciente du feu qui enflamme pourtant ses joues. Ses yeux brûlent, sa bouche se vide de sa salive, sa gorge pique. Assise sur son lit, son corps se gonfle de violents tremblements. Elle ne maîtrise plus ni sa toux, ni sa gorge qui semble se nouer au fil des secondes. La toux la prend par saccades dès qu’elle tente de respirer. Il lui faut pourtant agir, réagir, faire quelque chose. Il faut qu’elle ouvre les yeux, il faut qu’elle sorte d’ici. Elle pensa soudain à Pierre, ce pompier rencontré l’an dernier. Il préférait la chair à la parole mais au moins ses quelques mots n’allaient pas être vains… C’est ainsi qu’elle se projeta au sol laissant tomber d’un poids lourd son corps frêle. Le nez sur le parquet, elle serre les dents face à la panique qui l’envahit.
Peu à peu, l’environnement de sa chambre prend place dans son esprit. Ouvrir les yeux. Il le faut. Il le faut pour savoir où aller. La douleur est atroce mais pour vivre elle est prête à tout. La fumée entrait insidieusement par dessous la porte de sa chambre. Elle se glissait comme la mort, habillée d’une lumière rouge orangée pour venir prendre le moindre gramme de vie à sa portée.

Sara avait voulu mourir bien des fois. Il lui arrivait de prendre un cocktail de médicaments en pensant naïvement qu’ils l’endormiraient pour toujours. Mais dans sa naïveté ou par acte manqué, elle réussissait toujours une chose, c’est être malade toute la nuit. Elle rêvait de pouvoir choisir sa mort, et finalement c’est elle qui voulait choisir. Jamais Sara ne s’était sentie aussi vivante, aussi vibrante que maintenant. Il lui faut vivre. Le message prenait à partie tout son corps, et son regard se tourna instinctivement vers la fenêtre qui se trouve derrière elle. Il faut qu’elle se décide vite, ses forces commencent à la quitter. Du troisième étage, a-t-elle vraiment une chance ? Bientôt, Sara est sur le rebord, les jambes nues pendues dans le vide. Du haut de sa tour, elle voit les gens sur le trottoir drapés dans leur compassion angoissée. Le camion de pompiers et ses gyrophares éclairent toute la rue par intermittence. En se retournant, Sara vit la porte qui commençait à s’embraser, le feu venait à elle, la mort venait la prendre.

Sara s’envola dans la nuit. Dans son saut, sa chevelure blonde lui donne l’air d’un ange. Une seconde, ou deux.

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