Rêveuse évadée de son lit

16 mai 2013 0 h 17 min
chaussettes jaunes

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Moi. Là. Je suis là, mais je suis où ?

J’ai peur. J’ai froid, je ne peux pas bouger. C’était quoi ce truc horrible, cette chose affreuse ? Je l’ai vue, c’est sûr… Je l’ai vue qui me sautait à la gorge. Je suis là, loin, je suis en sécurité. Mais c’est quoi cette lumière !?! Elle m’oppresse, elle m’aveugle, elle me tétanise. Je ne la supporte pas. Mes bras saisissent mon corps pour le protéger, l’immobiliser. Je sens à peine mes pieds. Ah si, les voilà ! Ils sont là, l’un sur l’autre, dans une position étrange de repli. Mon visage est enfoui dans mes bras. Je suis telle une chrysalide prête à éclore.

Cette lumière impossible, blafarde, pitié qu’elle s’éteigne !! Mes bras brisent l’enveloppe qui me préservait pour trouver à tâtons un interrupteur. La paroi lisse glisse sous mes doigts. Je connais la texture granuleuse de la peinture.

C’est alors que les murs remplacent peu à peu la noirceur profonde qui m’entourait jusque -là. Ils se bâtissent seuls, détruisant mon monde imaginaire marécageux et froid. Je sens une goutte se faufiler de mon oreille à ma nuque. Je porte fébrilement une main à mon front : mes cheveux y sont collés. J’ai chaud. J’ai chaud de folie. Je brûle depuis longtemps alors que je tremblais de froid il y a encore quelques instants. Je laisse glisser ma main le long de mon visage pour la poser au mur.

Un rêve, encore…

Je suis seule cette nuit et je n’aime pas çà. Ma vue me joue encore des tours : les images qui m’ont guidée jusque dans ce couloir ne me lâchent pas. Elles me poursuivent, s’effaçant petit à petit pour n’être qu’un souvenir flou se contentant de faire surgir au fond de mes entrailles une angoisse insaisissable.

Le silence de l’appartement me rassure et m’oppresse. Peu importe que je sois en nuisette, il me faut un air sain, respirable. J’ouvre la porte-fenêtre. L’air frais du jardin me saisit dans ses bras, me couvrant d’une chair de poule imprévue. Le clair de lune donne à ces arbres une couleur que je n’aurais jamais soupçonnée. Tout est si calme, on pourrait croire que la vie s’arrête la nuit, que tout le monde est sur mode rechargement, quasi éteints. Sa beauté n’a d’égale que sa fourberie. Aucune des maisons alentour ne semble avoir une lumière qui ait subsisté au-delà du coucher de soleil. Et alors, qu’est ce que çà signifie ? La mienne non plus, et pourtant, je suis là, fantôme de la nuit, rêveuse qui a fuit son lit. Une chouette hulule  dans la forêt. J’entends le moteur de mon réfrigérateur qui lui répond. Son bruit métallique me rappelle la vie à Paris, à l’époque où seul sa musique nocturne apaisait mes réveils incongrus au milieu  du salon.

Et si je restais là ? Il me suffirait de récupérer la couette de mon lit, mon oreiller, et je pourrais m’installer dans le hamac qui me tend les bras au fond du jardin. Ce ne serait pas sérieux… Peut-être mais je pourrais me faire réveiller  par les rayons du soleil levant. Et s’il pleut ? J’aurais l’air maline ! 
Je lève la tête à la recherche d’un quelconque signe spirituel qui choisirait pour moi. Le ciel est clair, la lune en gibbeuse, découverte, mais il n’est que 3h du matin. Pas sérieux, vraiment…

Je reviens sur mes pas, tournant le dos à ce rêve éveillé. Je ferme la porte, et à nouveau l’angoisse me saisit. Respirer : inspirer, expirer, inspirer, expirer. Le réfrigérateur me nargue, je le fuis. Je ferme la porte de la chambre et me glisse du côté encore fait du lit : loin de l’inondation de mon sommeil. Je me saisis de mon carnet de rêves et y inscrit mon nouveau déplacement nocturne :

Cette nuit, je me suis réveillée de l’autre côté de la maison, prostrée dans le couloir. Était ce vraiment moi ou mon double qui ne vit que la  nuit ?

Je prends une profonde inspiration en espérant que peut-être un jour, je serai en paix avec mes rêves.

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