Soyons heureux, mon cher.

1 août 2014 15 h 59 min

Voici une petite histoire écrite pour le garçon que j’aimais, pour tout lui expliquer.

Moi avant, j’étais une vraie Amélie Poulain. J’aimais plus passer mon temps à rêver qu’à réaliser ces rêves. Je jouais du piano et écrivais des histoires toute la journée. Et j’ai même eu une passe où j’étais lasse de manger mon bol de nouilles à chaque repas. Alors je n’avalais rien. Je me nourrissais seulement de musique et buvais du rêve à coups de grandes gorgées.

Bonté divine que j’étais stupide.

Et puisque que je ne sortais jamais de chez moi, je maigrissais et personne ne me le disait. Une journée, je suis tombé sans connaissance, proche de la gamelle du chien. En me réveillant, je savais que je devais changer quelque chose. Ma routine avait pris le dessus sur tout. Toujours faire la même chose, ça nous tue à la longue.

Alors un matin, j’ai pris mon courage à deux mains et exploré le Dehors. J’ai fait de belles découvertes. J’ai visité un marché et j’ai trouvé pleins de trucs bons à bouffer. Le paradis. Et ce n’était pas des nouilles. Je voulais tout goûter, tout savourer. Mon appétit était revenu. J’ai aussi rencontré de gentilles personnes . Et elles m’aimaient bien. J’avais enfin trouvé des gens à qui faire écouter ma musique et raconter mes histoires. Et pour finir, j’ai trouvé une scène proche de où j’habite. Je ne croyais pas qu’on pouvait avoir autant de joie dans le corps en jouant du piano devant une foule. Une fois, j’ai pleuré. Tant de bonheur en moi que j’ai dû en évacuer un peu, t’imagines?

Grâce à ces découvertes du Dehors, j’ai appris à vivre. Et tout ça, c’est grâce à une faiblesse de ma part proche d’une gamelle à chien. Faut toucher le fond pour se donner un élan pour remonter, il parait.

Durant toute la durée de mon voyage à l’extérieur, je n’avais pas remarqué qu’une parcelle du Dehors me suivait partout. Aveugle que je suis, je l’ai remarqué sur le tard. Ce morceau de Dehors m’a suivi jusqu’à chez moi. Jusqu’à l’entrée. Je lui ai claqué la porte au nez. “Le dehors doit rester dehors”, lui ai-je dit. Il était triste. Pauvre lui. Mais il est resté, les pieds bien ancrés au sol. Il ne voulait pas partir. « Je te trouve spéciale. Tu n’es pas comme le reste du dehors. Je veux te connaître. », m’a-t-il chuchoté dans l’embrasure de la porte. J’ai trouvé ça étrange comme déclaration. Quelqu’un, vouloir me connaître? Moi, celle qui boit du rêve et qui pianote jour et nuit? J’ai barré la porte. Fermé les rideaux. Éteint les lumières. “Alors là, non, on ne m’aura pas si facilement.”

J’ai recommencé à avoir peur du Dehors. Enfin, plutôt de ce morceaux-là, planqué devant ma porte qui ne voulait pas partir. Je voulais redevenir une Amélie Poulain et ne prendre aucuns risques. Si je n’étais pas sorti, la chose devant de ma porte ne serait pas là et je vivrais ma vie tranquillement. Je me suis dit qu’à la longue, elle se lasserait de mes caprices de grandes peureuses et partirait voir ailleurs. Mais non. Tous les jours devant ma porte, ne manquant jamais au rendez-vous. C’est moi finalement qui a perdu patience. Ce truc ne partait pas. Je me suis dit que si je lui faisais la conversation, cette chose verrait bien que je suis inintéressante.

Donc je commença à parler à la chose de temps en temps, à travers la porte. Et à la longue, j’y pris goût. Et on dirait bien que cela ne lui dérangeait pas non plus. Le matin, je m’assoyais, accoté sur le mur, puis nous discutions de musique et nous nous posions des questions profondes sur la vie. Je le quittais très tard le soir, toute engourdie. Mais cela valait toujours la peine.
J’appris alors que ce morceau de dehors était un garçon. Et que les gens de l’extérieur l’appelait communément *Pour sa sécurité, je tairai son nom*. Je préférais l’appeler le Guitariste, car il m’avait dit qu’il jouait de la guitare, et je trouvais ça trop cool.

Après quelques mois, nous savions tout de l’autre. Il connaissait ma relation amour-haine avec le Dehors et que je n’aimais pas les nouilles. Ce que je n’avais dit à personne. Pour ma part, je savais qu’il adorait Avenged Sevenfold. Et qu’il m’aimait. Qu’il m’aimait avec ses tripes. Même si ne nous étions vu une fois, quand je lui ai claqué la porte au nez…

Je savais très bien que ce guitariste s’attendait que je lui ouvre la porte, après avoir partagé tous ces secrets. Je n’en avais pas l’intention, non. Le Dehors, je trouvais cela dangereux. Surtout lui. Ou plutôt, son amour que lui me porte. J’avais lu dans pleins de livres que l’amour, ça nous rend guimauve et que cela pouvait nous mener à des fins assez tragiques. Les bols de nouilles me faisaient le même effet, et je ne voulais pas le rajouter à ma liste des choses potentiellement dangereuses pour mon bien-être.

Mais même si je ne l’avais jamais vraiment vu et que je n’arrêtais de lui dire que l’amour ne m’atteignait pas, il me plaisait. Il me plaisait vraiment beaucoup. Il fait parti de la catégorie de gens à qui tu peux tout raconter sans gêne. Qui est d’agréable compagnie et à qui tu peux parler des heures durant. Comment pouvais-je ne pas l’apprécier?

Une nuit, pour remplir un silence, je lui fis un discours sur le fait que dans la vie, il ne faut pas être gêné et foncer.
”- Tu n’as pas les os en verre, tu vois, alors tu peux te cogner à la vie.
– Cela s’applique à toi aussi. Pas juste au reste du monde.
– Non. Moi, j’ai peur du dehors. Ce n’est pas fait pour moi. Je préfère rêver. J’ai toujours été bonne là-dedans.
– Mais Mab, est-ce mieux que tu restes cloîtré chez toi avec tes rêves où que tu deviennes grande et que tu les réalises, franchement? Vas-tu rester avec tes plats de nouilles toute ta vie?”

Je suis resté sans voix. Ce fut le truc le plus sensé que l’on m’ait dit de toute mon existence. Voyant que je ne répondais pas, Il rajouta ceci:
« Honnêtement, j’espère que tu sortiras bientôt. Car moi je suis dehors et je t’attend. »

J’étais bouche bée. Quelqu’un me voulait mon bien. Quelqu’un m’aimait et voulait que je profite de la vie avec lui. Quelqu’un n’avait pas peur de moi. J’ai tellement eu la trouille. Je savais qu’il voulait que je lui répondre “Tu n’attendras pas plus longtemps, mon cher”, que j’ouvre la porte et parte avec lui. J’aurais voulu faire ça. Mais je ne pouvais pas. Je n’en étais pas capable.

”- Bah tu sais, je voudrais vraiment sortir. Mais c’est tellement le bordel chez moi qu’il vaut mieux que je fasse le ménage.”
J’espérais fortement qu’il comprenne le double sens de mes propos.
”- Prends ton temps, Mab. Je t’attendrai.”

Il a attendu 4 mois.

Durant son attente, je réfléchissais et passais l’aspirateur de temps en temps. Je ne savais que faire. Un gars qui m’aimait (et qui me plaisait en plus) patientait derrière ma porte et à cause de ma peur atroce de l’amour, je donnais le prétexte du ménage comme empêchement à venir le rejoindre.

Bonté divine que j’étais stupide.

Je l’ai fait souffrir, ce petit. Beaucoup même. Il disait qu’il m’attendrait peu importe le temps que cela me prendrait, mais je savais qu’au plus profond de lui, il en pensait le contraire.
“Mab, sors le plus vite possible pour que l’on soit heureux.”

J’ai lavé les fenêtres. Classer des papiers. Nettoyer la salle de bain jusqu’à se qu’elle brille. Mais rien n’y faisait, j’étais encore peureuse. Je cherchais du courage, il devait bien en avoir chez moi. Peut-être pas beaucoup, mais assez pour ouvrir la porte sans hésiter.Parfois, il me demandait si je m’étais avancé. Je lui répondais toujours que j’avais presque fini de passer l’aspirateur. Mais évidemment, après 2 mois, l’excuse de passait plus.

Le courage ne me venait pas. Je plaçais souvent ma main sur la poignée de la porte, pour voir si le courage allait se montrer comme par magie. Mais dès que je pensais à ce qui m’attendait dehors; de l’amour à ne plus finir, donc ma mort assurée, je paniquais et le courage que je croyais avoir eu disparaissait. Je me sentais énormément triste et en colère. Je faisais de la peine à mon Guitariste. Et tout ça, c’était à cause de ma peur de l’amour, ma peur de devenir une grosse guimauve.

Une journée, j’ai voulu que ça finisse ce petit jeu. Je n’en pouvais plus de le faire attendre. Alors je lui ai annoncé tout bêtement que je ne l’aimais pas.

Ce qui était totalement faux.

Nos conversations ne furent plus pareilles. Je le sentais déprimé. Nous ne nous parlions plus aussi librement qu’avant. Le soir, je me couchais les larmes aux yeux. J’étais tellement désespéré. Il était caché où, ce putain de courage? J’en avais vraiment besoin. Quelqu’un souffrait par ma faute. Il m’en fallait.

Et là, arriva la fameuse nuit.

J’étais dans mon lit. Il devait être une heure du matin. Je pleurais. Je pleurais de grosses larmes. J’espérais qu’il ne m’entende pas. Une lumière apparut dans ma chambre. Elle s’avançait devant moi et se transforma. C’était une fée. Avant même que je dise un mot, elle commença à me parler. Comme si son message était urgent.

« Ma petite Mab, tu as raison d’avoir peur de l’amour. Cela peut être très dévastateur. Cela peut te faire pleurer comme tu le fais maintenant. Mais l’amour est bon aussi. Il peut te rendre aussi heureuse que quand tu joues du piano. L’amour, c’est prendre des risques. Et ce type, c’est un très bon risque à prendre. Écoute tes propres conseils pour une fois; Cogne-toi à la vie, tu n’as pas les os en verre! »

Son discours fini, elle me fit un sourire et disparut aussi vite qu’elle était venue.

Je suis resté très longtemps sans bouger.

Après un certain temps, je sentis quelque chose. Ça me courrait dans les veines. Ça me donnait le goût de bouger. Et dans ma tête, le nom David apparaissait sans cesse. Je voulais lui sauter dans les bras.

C’était du courage. La fée m’avait donné du courage.

Je lui ai murmuré un merci, même si elle déjà parti. Je me suis tout de suite levé, et j’ai accouru vers mon entrée.

J’ai tourné la poignée, tremblante. C’était le moment. Le courage était en moi, je pouvais le faire.

J’ai poussé la porte. Il était droit comme un piquet. Je l’ai observé. Pas en un coup d’oeil comme la dernière fois. Je le regarda droit dans les yeux. Il paraissait aussi surpris de mon action que moi-même je l’étais. La première chose que je remarqua, ce fut ses yeux. Ils étaient d’un doux bleu ciel. Lui aussi, il me fixait. On dirait qu’il m’embrassait avec les yeux. Je me suis avancé vers lui. Je me suis approché de son oreille, et je lui ai murmuré:
« Soyons heureux, mon cher. »

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