Lointain naufrage (2)

6 mars 2014 8 h 34 min

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Le jour se lève et l’inquiétude est palpable. Chacun s’affaire à sa tâche, tentant d’oublier ce qui se passe autour.

Les plongeurs sont prêts à retourner fouiller le fond de la mer. Les passants s’agglutinent sur la jetée, comme si leur présence pouvait faire bouger les éléments. Les femmes ont installé des tables et des bâches, posé des thermos et des gobelets, cuisiné quelques plats pour tenir le coup, ne pas sombrer. Chaque minute qui s’écoule chasse l’espoir un peu plus loin.

Les disparus sont devenus des murmures. L’un était tout juste fiancé. Pour un autre, c’était sa dernière traversée, il prenait sa retraite. Celui qui travaillait au sous-sol, dans les frigos, avait peur du noir de la nuit. Celui au gouvernail avait été quitté par sa femme l’année dernière. Le plus jeune avait 24 ans. Le mois aguerri n’avait pas voulu emporter de gilet de sauvetage. Le mari de Berthe connaissait la mer comme sa poche, on disait au village que sa mère avait accouché sur un bateau. Le fils de Jeanne avait choisi de prendre la relève de son père, contre l’avis de sa mère, qui le voyait faire des études, vivre en ville.

Les plongeurs avancent doucement et scrutent chaque centimètre de sol. Un mouvement des eaux et l’espoir fait battre leur cœur plus fort. Ce n’est qu’un poisson.. Mais l’épave du bateau a été repérée. Tous se dirigent vers l’endroit de la découverte. C’est une scène d’apocalypse que les attend. Tous les corps gisent, anéantis, défigurés. Les boites de conserve jonchent le sol de la cabine. Les épluchures de pomme de terre sont pourries, les draps sont éventrés, le sang a noirci sur les visages des hommes, l’odeur qui les hante est atroce, une odeur plus forte que celle de la mer vaseuse et salée. Certains sont même méconnaissables.

Il y a l’instant qui fige sur place. Il y a l’instant où il faut agir, prendre les corps et les remonter à la surface. Et puis il y a l’annonce, instant délicat et fragile. Aucun mot ne peut soulager la peine. L’annonce est toujours terrible.

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