Lointain naufrage

17 février 2014 10 h 31 min

Leur bateau avait disparu en mer. Depuis, nul n’avait de nouvelles. Les secours avaient passé la journée à fouiller le fond des mers, en vain. Des hommes de toute la côte s’étaient joints aux recherches. Ils avaient tous répondu présents à l’appel. Mais les corps n’avaient toujours pas été retrouvés. Ils gisaient quelque part, impuissants, esseulés.

Les femmes s’étaient rassemblées sur le port. Enveloppées dans des plaids en laine, elles scrutaient l’horizon, silencieuses. Certaines égrenaient les grains de leur chapelet. Certaines pleuraient et déposaient leurs larmes dans un mouchoir aux initiales de l’être aimé. D’autres échangeaient des regards, essayaient de se rassurer par ce simple échange discret.

Les hommes étaient tous des marins de carrière. Ils avaient fait leurs armes sur les meilleurs chalutiers de la région. Ils connaissaient la mer, ses dangers, les mauvais courants. Ils savaient regarder le ciel et étaient capable de prévoir les assauts du vent. La question se figeait sur toutes les lèvres. Qu’est ce qui avait bien pu se passer la veille pour que ces hommes prennent la mer, alors même que toutes les radios du pays appelaient à la vigilance.

Un murmure. Voilà à quoi était réduite cette petite communauté du sud. On se parlait doucement aux abords des magasins. On n’attendait qu’un haut-parleur se mette en branle, qu’une sirène annonce une découverte. Cela faisait plus de 24 heures que le bateau avait été vu, instable sur les eaux. Cela faisait plus de 16 heures que certains passants, venus contemplés la mer déchaînée, avaient assisté à la dérive du navire. Transis de peur, assommés d’effroi, ils avaient hurlé des noms qui s’étaient fracassés sur les rochers de la crique. En quelques secondes, il n’y avait plus que le souvenir des précédents naufrages sur les visages burinés des anciens et l’angoisse transparente sous la peau des femmes. La mer volait des vies. Ceux qui partaient le savaient. Pour ceux qui restaient, la peur était omniprésente et l’ombre du navire qui traversait le chenal rapportait la paix dans leurs cœurs.

La nuit tombe sur la bourgade. Le port se vide. On se regroupe chez l’un, chez l’autre autour d’un whisky, seule boisson capable d’anéantir l’angoisse, d’apprivoiser le langage des hommes. La nuit repousse l’espoir encore plus loin. Quelques lumières peuvent encore être vues aux abords de l’eau, les lanternes de tous ceux qui ne peuvent se résoudre à s’enfermer chez eux, à se lamenter seuls dans l’obscurité totale.

PHARE BRETAGNE

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