Concours de la rentrée #SylvieMoncel

13 septembre 2012 21 h 51 min

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Ce jour-là, à la fin du mois de septembre, en l’espace de dix minutes, quelque chose a basculé.

Ce quelque chose que je fuis de tout mon être, de toute mon âme m’entraîne à vouloir me perdre, à vouloir nier, refuser. Alors, je marche, m’arrête soudain, cours, suis un chemin d’un pas hésitant, quitte le chemin, saute par-dessus un fossé. Mes jambes me conduisent maintenant dans un pré où l’herbe haute, couverte de rosée matinale me glace les mollets.

Mon esprit est aussi confus et opaque que ce premier brouillard automnal qui m’enveloppe. Il me met à l’abri d’une vision trop nette, trop lumineuse de ce qui m’entoure et me permet de rester éloignée, coupée de ce que je refuse d’admettre.

J’avance ou, plutôt, j’erre dans ce coin de campagne qui m’est si familier mais qui, subitement, m’est devenu étranger. Tout m’est étranger, même moi, je ne me reconnais pas, où suis-je ? Où s’est envolé mon esprit ? Je suis juste certaine d’une chose, je fuis. Je fuis l’évidence de ce moment si pénible, si lourd.

Je ne veux pas prendre conscience et accepter ce qui m’est insoutenable et m’entraîne dans un violent vertige de souffrance morale. Je voudrais que le temps se fige ou, mieux encore, remonter le temps de quelques heures, d’un jour et retrouver l’insouciance tranquille d’avant, d’avant cet instant redouté.

Je m’effondre dans l’herbe humide, mes jambes m’abandonnent aussi, tout mon corps m’abandonne. La planète se serait-elle arrêtée de tourner ? Je ne sens plus aucun mouvement, aucun son, tout est en suspens.

Je suis là, allongée sur cette terre qui a été témoin de ma vie, de ma voix, de mes chants, de ma musique, de mes pas de danse, de ma joie et cette terre, comme une amie très intime, m’accompagne dans l’indicible douleur. J’ai soudain la conviction qu’elle a créé cettebrume si dense pour m’envelopper et me cacher du monde, m’offrir un peu de sérénité, de sécurité. J’en arrive à penser qu’elle me comprend et m’accompagne dans cette épreuve. Je lui demande de l’aide, je l’appelle au secours, la supplie de me donner le courage, la force de continuer à vivre.

Tout mon corps est tendu dans cette prière, mon esprit est en attente d’un miracle, d’une réponse rassurante.


Imperceptiblement, le brouillard devient plus léger, quelques rayons de soleil réussissent à le traverser et caressent mon corps engourdi et froid. Les larmes refoulées, rejetées, s’écoulent de mes yeux et rejoignent les gouttelettes de rosée. La terre pleure avec moi, j’aime cette pensée qui me permet de me sentir moins seule. J’autorise mon chagrin à s’exprimer sans retenue.

Soudain, j’entends une voix lointaine m’appeler, je ne la reconnais pas tout de suite et me redresse pour mieux écouter. C’est mon mari qui est à ma recherche alors je me relève, je me sens prête à le rejoindre, à braver mon destin.

-« Ma chérie, j’étais tellement inquiet, je t’ai cherchée partout », me dit-il d’une voix nerveuse en me serrant contre lui.

-« Pardonne moi, je ne pouvais pas agir autrement, je t’aime tant ».

Nous restons l’un contre l’autre, pleurant doucement, nous murmurant des mots doux et apaisants. Le soleil inonde maintenant la nature et nous réchauffe gentiment, il a chassé tout le brouillard.

-« Viens, rentrons maintenant »,ajoute-t-il en me prenant la main.

-« Attends, avant de rentrer, dis-moi ce que t’a expliqué le médecin des urgences. A présent, je suis capable de l’entendre mon amour».

-« C’est ce qu’on appelle la mort subite du nourrisson, notre bébé est parti dans son sommeil, il n’a pas souffert », m’annonce mon cher époux, après un instant d’hésitation.

A nouveau, nous nous prenons dans les bras pour nous prouver que notre amour, lui, n’est pas mort et faisons le chemin du retour vers notre petite maison, main dans la main, ensemble, pour faire face.

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