Rêver toujours

1 juin 2012 9 h 00 min

Elle se réveilla, étourdie de son rêve. Mais ce n’était pas un rêve.

Si seulement…

Refermer les yeux, rebasculer dans le monde du sommeil, se dire que c’était simplement un cauchemar. On se réveille en hurlant, trempé de sueur, avec la peur au ventre mais il suffit de quelques secondes pour que l’on se rende compte que rien ne tout cela n’est vrai et que la vie, ce n’est pas ça, qu’il s’agissait juste d’un mauvais moment, d’une incartade de l’inconscient.

Finalement, elle n’avait plus peur des cauchemars, ceux qu’elle avait faits pendant des années n’étaient que des rêves un peu trop écorchés par rapport à ce qu’elle vivait aujourd’hui.

L’enfer se déroulait devant elle les yeux ouverts, pas besoin de basculer dans le sommeil pour côtoyer le pire.

Au contraire, tout s’était inversé.

Le sommeil l’avait quittée, elle ne dormait plus que par sieste, quand le corps avait décidé de lâcher, qu’il avait cessé la lutte, un instant, juste pour reprendre des forces et se réveiller, encore plus saisi par la douleur.

Le temps n’avait plus de rythme, les saisons qui avaient tant imprégné leur tempo, n’avaient plus cours sur sa vie, les nuits se confondaient avec les jours. Le noir était partout. La couleur ne rejaillirait plus.

Elle avait tenté la lutte acharnée, le combat sans relâche, avait avalé tous les médicaments qu’on lui avait conseillé, avait même testé les remèdes parallèles, rencontré des sorciers et autres bonimenteurs. En vain.

Il y avait eu des moments de répit, courts mais tellement intenses où elle avait compris ce que vivre veut dire. Alors, elle avait profité de ces instants avec une intensité rare, avec cette nécessité de vivre pleinement. Il avait fallu cela pour qu’elle se rende compte qu’un parc au printemps était un trésor, que les rayons du soleil étaient une source de vie inépuisable, elle avait retrouvé des sensations perdues : le goût des fruits à peine cueillis, l’odeur du jasmin qui refleurissait, la douceur des pétales d’une rose qu’elle effleurait.

Elle gardait tout cela pour elle, personne ne pouvait comprendre, personne ne pouvait savoir ce que c’était de retrouver ses sens, de sentir à nouveau, de pouvoir respirer tout simplement. Elle n’avait même pas tenté d’expliquer ces petits bonheurs, la naïveté et la candeur ne sont plus de ce monde, ils sont devenus des signes de faiblesse, alors elle avait gardé tout cela pour elle. Elle se battait seule, elle vivrait seule.

Mais, ses sorties s’étaient espacées et désormais elle était enfermée, prisonnière de son corps.

Et aujourd’hui, elle avait dit stop. Stop à cet acharnement qui ne mènerait nulle part. Stop à ces gens qui voulaient y croire pour elle et qui pourtant n’attendait que de la voir partir tant le spectacle qu’elle donnait devait être épouvantable. Stop à cette douleur qui la terrassait, l’empêchant même de penser.

Elle avait dit stop et dans quelques minutes, quand le liquide ferait effet, elle allait s’endormir et enfin, retrouver le calme et la sérénité. Retrouver la douceur du sommeil, revivre cet instant si délicieux où l’on prend conscience que l’on s’endort, ne plus sentir ce corps trop lourd, et enfin céder au sommeil. Elle allait enfin pouvoir rêver à nouveau, ne plus avoir ces repos trop courts, trop blancs, trop vides.

Elle sourit en s’endormant car elle savait qu’elle n’aurait plus à sortir de ce rêve, que le cauchemar était fini, qu’il n’y aurait plus de réveil…

Vous en parlez

  • Voilà un texte qui est bien sombre, Charlotte ! Il est extrêmement fort et intense. J’ai bien l’impression que tu l’as écrit, commandé par quelque muse intérieure 😉
    C’est assez oppressant comme texte, compte tenu du contexte… Il faut bien le dire

  • Un tres beau texte Charlotte, poignant, comme si tu l’avais ecrit avec tes tripes. Meme si l’angoisse et la douleur sont bien presentes, la fin apporte un peu de repit.

  • Merci pour vos commentaires les filles! Pour tout vous dire, je ne sais pas trop d’où est arrivé ce texte mais il est certain qu’il a été écrit avec quelque chose qui est profondément ancré en moi.
    J’ai été sonnée un moment après l’écriture de ce texte, je l’ai d’ailleurs envoyé ce texte à Julie en m’excusant de sa noirceur mais parfois on ne peut pas lutter… Un sentiment étrange me poursuit encore concernant ce texte… Bizarre, bizarre…

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