Trois mots pour se dire adieu

26 mars 2014 23 h 51 min

Finalement c’est fait. Dix sur dix. La leçon a bien été apprise.

Elle regagne Paris sur la pointe de pieds, par crainte de réveiller les clochards enroulés dans leurs vieux duvets crasseux.  Elle s’arrête à Aubervilliers. Elle regarde la nuit se coucher, à travers ses lunettes rondes. Ce n’est pas si difficile de dire adieu à quelqu’un que l’on aime. Trois mots. Je te quitte. Trois mots qui résonnent encore dans sa tête. Trois mots qu’elle répète sagement depuis des mois. Trois mots accrochés à ses jupes, à ses sourires, à sa peau bronzée.

Elle s’en était fait tout un cinéma de cette déclaration d’abandon. Tantôt meurtrie, tantôt affligée, tantôt soulagée. Il fallait en passer par là. Il fallait continuer le chemin sans lui.

Entre deux effusions de caresses, elle s’était trouvée prise au piège de sentiments orphelins. L’emprise de ses doigts sur son corps lui faisait peur. Elle ne voulait appartenir à personne. Etre avec lui sans être à lui. L’équation était sensible, mais elle lui convenait.

Il ne comprenait pas. Je te quitte. Il ne saisissait pas. Je te quitte. Pourquoi ?

Voilà, il voulait une explication en bonne et due forme. Il voulait pouvoir mettre des mots sur sa décision, alors même qu’aucun ne sortait de sa bouche. Il voulait comprendre ce qu’elle était bien incapable d’expliquer. Il voulait s’immerger dans son âme pour saisir la faille. Mais elle restait immobile, insondable.

Elle avait décidé. Il n’avait pas son mot à dire. Les dés étaient les siens, elle avait choisi de les jeter au hasard et d’y croire. C’était un peu ça la vie, un coup de poker, un jeu de bazar.

Je te quitte. C’est mieux comme ça. Les étoiles continueront de briller. Le soleil se couchera toujours à l’ouest. La pluie sera toujours froide et bruyante. Les bourgeons refleuriront au printemps.

Elle l’a quitté. Demain lui appartient.

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Vous en parlez

  • C’est ce paradoxe entre ces décisions, ces évènements qui bousculent toute une vie, voire plusieurs, et qui pourtant aux yeux du monde passent inaperçues. Pour un individu, cela va sembler être un tremblement de terre donnant au ciel une couleur différente, mais la vie autour continue son chemin. On s’aperçoit que l’on respire toujours, que le ciel est toujours bleu. « Le soleil se couche toujours à l’ouest »…

  • C’est en lisant ton texte, très beau, très fort, que l’idée de mon poème est venue… Je trouve toujours çà déchirant les couples qui se séparent, voire qui se détestent, quand un jour ils se sont aimés comme ils n’ont jamais aimé personne…

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