Adélaïde Nongeant #5 : Les souvenirs d’Adèle

4 juin 2012 8 h 00 min

** Ce qui s’est passé avant ici **

VII – LES SOUVENIRS D’ADELE

 

 

Colombier écoutait Yerles attentivement, tandis qu’Adelaïde attendait dans la voiture de l’inspecteur.

— Ton amie est formelle, le tueur en série que tu traques tient déjà une femme sous sa coupe. annonça la psychologue. Il était en train de la violer pendant notre séance d’hypnose. Et je te fais grâce des détails.

— Ca veut donc dire que…

— Mademoiselle Nongeant n’a pas forcément besoin de dormir pour accéder à l’esprit de l’assassin.

Colombier se laissa tomber sur un siège.

— C’est sérieux ? soupira-t-il.

— Ai-je l’air de plaisanter, d’après toi ?

— Et as-tu obtenu suffisamment de détails pour localiser l’endroit où ce salaud opère ?

Yerles hocha la tête par la négative.

— Ton amie reste coincée dans une pièce sombre et fermée. dit-elle. Il n’y a aucune fenêtre, aucune issue. Elle ne peut qu’assister, impuissante, aux atrocités commises par le meurtrier.

— J’y crois pas…

— Mais il y a pire, Vincent. Il va me falloir remonter dans les souvenirs de mademoiselle Nongeant.

Colombier fronça les sourcils, pas certain de tout comprendre.

— J’espère évidemment me tromper mais… reprit Yerles. A en juger par l’attitude de mon autre patiente tout à l’heure… Je pense que ton amie a un lien de parenté avec l’assassin.

— D’où la reconnaissance des yeux… articula l’inspecteur, pensif.

 

* * *

Colombier remonta en voiture avec la ferme intention de ne rien avouer à Adélaïde. De toute manière, son rôle d’inspecteur n’était pas de lui flanquer la pression.

— Alors ? questionna Adélaïde quand il eut claqué la portière.

Le jeune homme se tourna vers elle.

— Il est impératif que tu y retourne dans quelques jours, annonça-t-il.

— Hors de question !

— J’ai besoin de ton aide, Adélaïde.

— Et j’ai besoin de la tienne avant tout ! s’écria la femme.

Elle eut un geste pour ouvrir sa portière, Colombier la retint par le bras.

— Adélaïde… Je te ramène chez toi.

Les deux amants ne s’adressèrent pas la parole de tout le trajet, et Colombier craignait qu’Adélaïde se réfugie dans un mutisme volontaire. Il espérait qu’il fût encore temps de sauver les meubles, mais lui-même ne pouvait pas la forcer à poursuivre l’hypnose. Personne ne le pouvait. Ce choix n’incombait qu’à Adélaïde seule.

 

* * *

— Si tu préfères faire des cauchemars terribles jusqu’à ce que ce fou à lier décide de s’arrêter, c’est toi qui vois, ma fille, réfléchissait Adélaïde à voix haute.

 

* * *

 

L’homme faisait les cent pas dans la petite pièce.

Apeurée, Adélaïde observait scrupuleusement.

L’assassin était seul. Il se lança alors dans un monologue, comme s’il savait que quelqu’un pouvait l’entendre.

— Tu seras la prochaine, Adèle, murmura-t-il. Mais je prendrai bien soin de toi auparavant. Je te maquillerai telle une poupée. Je te prendrai en douceur. Tu n’as pas à avoir peur, ma belle Adèle. Ton heure sonnera tôt ou tard.

 

Adélaïde faillit vomir lorsque Yerles la rappela des limbes hypnotiques.

Cette fois, Colombier avait tenu à être présent… pour les besoins de l’enquête avait-il dit. Il tenait fermement la main d’Adélaïde au creux de la sienne.

— Je suis la prochaine, articula Adèle. La fin du calvaire est toute proche.

— Je te défends de dire ça ! s’écria Vincent, hors de lui.

La psychologue le pria de baisser d’un ton.

— Il est absolument hors de question que cet enfoiré touche à un seul de tes cheveux, cracha-t-il.

— Mais c’est pourtant moi qu’il veut, lâcha Adélaïde. Toutes les autres, il s’en foutait. Ce n’était que pour le plaisir des sens. Pour la jouissance physique et mentale.

Vincent croyait devenir fou. Adélaïde parlait du tueur comme si elle le connaissait depuis des années !

Yerles et Colombier s’échangèrent un regard.

— Mademoiselle Nongeant… commença la psychologue.

— Non ! s’exclama l’inspecteur.

— Il le faudra un jour ou l’autre, Vincent.

Adélaïde observait les deux autres à tour de rôle.

— Quoi ? lâcha-t-elle.

— Connaissez-vous quelqu’un susceptible d’avoir commis ces meurtres ? questionna Yerles. J’ai besoin d’une réponse franche et rapide.

— Je… euh… Mais j’en sais rien !

Yerles et Colombier se regardèrent à nouveau.

— Arrêtez de vous regarder comme ça ! s’écria Adélaïde. Jusqu’ici j’ai fait tout ce que vous vouliez et je ne suis pas d’humeur à jouer. Non, docteur, je ne connais personne susceptible d’avoir commis ces saloperies ! pesta-t-elle en claquant la porte.

Les deux autres ne cherchèrent pas à la rattraper.

— Et maintenant ? hasarda Colombier.

— Ta petite protégée est dans une belle merde, Vincent.

— C’est pas ma petite protégée. Mais je refuse qu’elle se fasse trucider pour les besoins d’une enquête.

— Ce que tu ressens pour cette femme porte un nom, tu sais, rappela Yerles.

— Je sais.

— Mais malgré tout, si elle espère se libérer un jour de ses cauchemars, il lui faudra revenir ici.

 

* * *

Adélaïde restait figée devant l’assassin. Ce dernier aiguisait son couteau de boucher tandis que le vieux poste de télévision restait allumé.

Le tueur semblait excité, dans un état proche de l’extase ou de la folie.

— Bientôt, Adèle, tu me rejoindras.

Adélaïde fronçait les sourcils afin de discerner enfin le visage de l’homme, mais celui-ci se tenait à contre-jour de la petite ampoule. Alors la jeune femme approcha. Encore un peu.

Soudain le meurtrier leva les yeux vers elle…

 

Adélaïde lâcha un cri. Colombier, assoupi auprès d’elle, tenta de la calmer mais elle hurlait trop.

— Adélaïde ! s’écria-t-il.

La jeune femme lui adressa un regard baigné d’effroi.

— Ses yeux… articula-t-elle, proche du malaise.

Tous les voiles déposés sur ses souvenirs volèrent alors en éclat.

Cet homme, cet assassin… Ces gestes et cette insatiable concupiscence… Ce regard…

— Je sais de qui il s’agit, Vincent, annonça Adélaïde d’une petite voix.

Elle se rappelait désormais les mots glissés au creux de son oreille, les visites nocturnes dans sa chambre. Elle se souvenait de chaque faveur accordée par obligation, de son mutisme aussi.

— Qui ? demanda Colombier, à brûle-pourpoint.

— Mon père…

 

** Fin **

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