La fille au parapluie rose (3)

11 avril 2014 6 h 24 min

Suite du récit que vous retrouverez ICI et ICI

J’ai croisé beaucoup de filles, de femmes aussi depuis ce matin d’automne, pas comme les autres. J’en ai aimé certaines de loin. Je suis un homme qui aime de loin. Les femmes me font peur. Elles paraissent inaccessibles. Je me perds dans leurs sourires, dans la manière dont elles portent leur sac, dans la cadence de leurs bassins. Les femmes de ma vie sont des beautés silencieuses. Je n’ai que des souvenirs d’elles, des souvenirs d’enfance. J’ai grandi sans leur présence apaisante, leurs bras rassurants, leurs caresses douces comme de pétales de rose. Ce sont des femmes de clichés retrouvés dans un vieux grenier, des fantômes qui me narguent, qui ont fait de ma vie amoureuse un désastre ambulant.

J’aime les femmes de loin et je les regarde de près. Elles sont fascinantes, charmantes. Je crois que quand j’étais petit, je voulais être une femme, je voulais de longues jambes, je voulais porter des bracelets de perles, je voulais tremper mes mains dans la lessive blanche et laisser mon esprit vagabonder dans des rêveries impossibles.

Je les regarde monter dans le bus, s’asseoir en prenant soin de ne pas froisser leurs manteaux. Je les regarde attendre le métro et étudier leurs livres trop gros pour leurs fines mains et leurs ongles vernis. Je les regarde choisir à manger, remplir leurs cabas et les porter à bout de bras le long du boulevard Montparnasse, sans une grimace. Je les regarde s’amuser avec des enfants, comme des enfants, rire aux éclats en posant une main sur leur bouche, comme pour contenir ce flot de joie, jugé trop exubérant. Je les regarde pleurer, leurs larmes sont si fragiles et lumineuses. Je les regarde courir sous la pluie, s’engouffrer dans un café pour se réchauffer, les doigts enchevêtrés autour d’une tasse blanche de chocolat au lait.

J’en reviens toujours à évoquer la pluie. Et avec elle, les mêmes images se pressent d’un bout à l’autre de mes nuits. Je me perds alors dans une autre dimension. Rien ne peut m’arracher à ma rêverie. Elle est là. Elle me regarde et je souris. Elle aussi je l’aime de loin, je l’aime sans la connaître, je l’aime comme dans un vieux film en noir et blanc. Elle a fichu un sacré bazar dans ma vie cette fille-là, avec son parapluie rose. Si je la rencontre à nouveau, je lui en toucherais deux mots.

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Source Image – Pinterest

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